Test Final Fantasy VII Rebirth

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PS5

Il faut bien l’avouer, on a longtemps été sceptique à l’idée d’un remake de Final Fantasy VII, sorti en 1997 sur PS1. Pourquoi ? Le risque d’écorner un monument du jeu vidéo, notre premier J-RPG, celui qui a bouleversé approche du média et nos goûts. Et puis, FF VII Remake a débarqué à la fin mars 2020. Tel le messie d’un confinement forcé qu’on n’avait jamais cru pouvoir envisager au XXIe siècle, il s’est imposé dans notre cœur sans forcer, comme une évidence. La nostalgie, et même un peu plus que ça. Après une telle prouesse, il y avait de quoi être confiant pour la suite et pourtant, l’attente a été fébrile jusqu’au bout. Comment FF VII Rebirth allait-il s’y prendre pour restituer le voyage de nos compagnons par-delà Midgar ? Après un périple de plus de 80 heures, mené en parallèle de nos existences déjà bien remplies, on sait et nous voilà plus que rassurés.

On les avait quittés sur le bord de la route, presque hagards, au terme d’un combat homérique contre les incarnations du destin. Cloud et ses amis n’ont guère eu le temps de souffler : la Shinra est à leurs trousses depuis la spectaculaire attaque de Midgar, qui a notamment coûté la vie au cupide PDG du groupe. Nos héros ont donc trouvé refuge dans la bourgade de Kalm - qui porte bien son nom -, où ils décident de faire le point sur la situation. Pourquoi Sephiroth, ex-SOLDAT de légende, a-t-il assassiné le Président Shinra ? Aurait-il ainsi survécu à l’incident de Nibelheim, cinq ans plus tôt ? Comment ? Quels sont ses véritables desseins ? Et ses liens avec tous ces « hommes en noir » qui semblent errer vers une destination floue ? Ne serait-il pas, lui, le véritable fléau qui menace la planète ?

Final Fantasy VII Rebirth commence exactement là où Remake s’était achevé, sur un flashback très attendu en guise de tutoriel. Mais on est encore loin de découvrir tout ce que peut proposer cette deuxième partie du remake de FF VII. Au bout de ce chouette prologue, Cloud et ses acolytes vont alors pousser les portes d’un monde aux vastes étendues. Loin, très loin finalement des ruelles feutrées de Midgar, la cité cyberpunk de leurs premières aventures. Attention les yeux !


La question brûle sans doute les lèvres des derniers indécis : il vaut quoi ce pseudo-monde ouvert ? N’y allons pas par quatre chemins : pour le fan du FF VII de 1997, les premiers pas dans la Région de la Prairie procurent une vive émotion. Visuellement, à quelques textures près - on y reviendra -, c’est super convaincant et musicalement, la balade est un délice pour les esgourdes. C’est comme si tous ces grands espaces restés longtemps figés par les limitations techniques de la toute première PlayStation prenaient enfin vie sous nos yeux. Nouvelle mandale, quatre ans déjà après Remake. Sans que l’on soit totalement dupe, non plus, de notre nostalgie béate.

Des zones plus intéressantes qu’elles n’en ont l’air

Alors, on entend aussi les autres, les sceptiques du fond, en boucle sur la structure très stéréotypée de ces zones ouvertes... Oui, il y a bien des tours « ubisoftiennes » à activer pour dévoiler les points d’intérêt alentours. Oui, certaines activités se répètent trop. Et oui, l’exploration n’y est quand même pas folle (oubliez le mode « parkour », automatisé et limité), manquant de liberté. Mais, au fond, doit-on en tenir rigueur ? Attendait-on vraiment de Rebirth un monde ouvert - je cite - « organique » à la Elden Ring ou à la Zelda Breath of the Wild ? Ce serait profondément renier la nature même du Final Fantasy VII originel que d’opposer à son deuxième « remake » un tel critère de jugement, tant la vocation de ces titres est incomparable. Aussi classique voire « vieillotte » puisse-t-elle sembler de prime abord, la proposition de ce FF VII fonctionne merveilleusement bien -surtout sur la longueur- et ce, pour une multitude de raisons. Explications.

La première tient à la géographie des régions, très différente d’une zone à l’autre : au fil de la progression, les environnements gagnent en densité et en complexité, surtout en verticalité. Ainsi, il faudra parfois scruter les décors pour trouver la meilleure manière de rejoindre un lieu où se cachent généralement une ou plusieurs quêtes. Ce n’est pas anodin si les Chocobos de chaque région présentent une caractéristique bien distincte : par exemple, ceux de Junon sont capables de grimper les pentes à 90° tandis que ceux de Cosmo Canyon peuvent planer. Au-delà, ces différences de relief permettent aussi de varier les perspectives, offrant parfois de très jolis panoramas. Bref, de renouveler constamment la découverte et tout simplement, le voyage, ici au cœur de l’expérience (« The unknown journey will continue » promettait la fin de FF VII Remake).

Aussi, malgré la répétition des types de quêtes -les fameuses tours, les puits de vie, les missions de chasse- et de certains schémas, quelques subtilités parviennent à écarter la monotonie. La quête des protoreliques, qui court sur toutes les régions de la carte, en est le meilleur exemple : à chaque zone, un nouveau défi, sous la forme d’un mini-jeu ou d’une variation de gameplay (à la qualité variable, il faut l’avouer). La récompense au bout de cette quête au long cours vaut le détour, avec de surcroît d’intéressantes révélations en chemin. Pour peu que l’on vise le sacrosaint 100%, on décèle même des interactions entre certaines missions, la réussite de l’une conditionnant parfois l’accès ou la poursuite d’une autre. Cela arrive certes rarement mais témoigne a minima d’une vraie volonté de sortir du schéma « Fedex » encore trop souvent appliqué par les jeux de rôle japonais (n’est-ce pas Final Fantasy XVI ?). En matière de contenu annexe, entre ce que proposait Remake et ce qu’offre aujourd’hui Rebirth, il n’y a clairement pas photo. Et cette appréciation vaut aussi pour l’écriture des quêtes, autrement plus inspirée et même parfois surprenante. Mais encore faut-il y consacrer le temps nécessaire...

Vous l’aurez compris, le simili open-world de FF VII Rebirth nous a convaincus. Surtout, il ne s’impose jamais au joueur : tout ce qu’il renferme de quêtes est facultatif et n’empêche en rien de tracer jusqu’à la fin du scénario si on le désire. Il est aussi tout à fait possible de revenir dans une région précédente pour y compléter le contenu annexe et ainsi, gagner en expérience avant le prochain pic de difficulté (notamment contre certains boss). Bref, c’est à la carte et c’est sans doute le meilleur compromis que Square Enix pouvait trouver. Et tout ça, avec une générosité incroyable dans le contenu (on n’a même pas parlé du jeu de cartes Queen’s Blood, une petite merveille). On s’incline.

Un système de jeu enrichi

Outre la découverte des zones ouvertes, les rouages du système de combat donnent également le vertige. Trois personnages supplémentaires (Red XIII puis Yuffie et Cait Sith), un sphérier, des aptitudes d’armes, des attaques et compétences combinées... L’air de rien, les nouveautés introduites sont en nombre assez important. Pour autant, le cœur du gameplay, lui, n’a pas changé : on se trouve à nouveau face à un mélange réussi d’action en temps réel et de pseudo-« tour par tour », où la gestion des jauges d’action demeure primordiale. Le but étant toujours d’affaiblir les ennemis jusqu’à leur faire atteindre l’état de vulnérabilité maximale (« choc » nous dit le jeu).

L’impact est là, les commandes sont toujours réactives... Quatre ans après Remake, la formule se révèle encore d’une redoutable efficacité. Comme leurs prédécesseurs, les nouveaux personnages présentent chacun un gameplay et une philosophie distincts : Red XIII a un profil plutôt défensif (ce qui convient à l’ajout d’une garde annulant les coups quand elle effectuée au bon moment), Cait Sith peut invoquer une peluche aux compétences plus intéressantes qu’attendu tandis que Yuffie se montre aussi versatile qu’elle l’était dans le DLC Intergrade. Plus varié que jamais, le casting saura contenter tous les types de joueur et toutes les approches. Et même si l’histoire principale a tendance à dicter les compos d’équipe, l’exploration des régions permettra à chacun d’expérimenter les associations à loisir avant de dégager son trio de titulaires.


A ceux qui pestaient contre l’inaction des alliés gérés par l’IA en combat, Square Enix répond par la création de nouvelles matérias qui automatisent le recours à certains sorts et compétences spéciales. Cela ne les rend pas beaucoup plus autonomes -en plus d’occuper des slots de matéria- mais la solution a le mérite d’exister pour ceux qui rechignent à switcher entre les personnages. Là encore, le signe que certains retours ont été entendus. Un bémol toutefois : avec la multiplication des compétences, solo ou combinées, les invocations -auxquelles on peut pourtant faire appel plus souvent- et les sorts élémentaires ont désormais une utilité relative. Un léger déséquilibre que l’on a noté, mais qui n’entache en rien l’expérience de jeu. Loin de là.

Mon beau buggy

Personne ne peut le nier, les combats de FF VII Rebirth sont au moins aussi exaltants que ceux de Remake (a fortiori en Difficile). Si le schéma des boss en trois phases ne surprend plus, le jeu sait toujours bien renouveler les situations de jeu et les stratégies gagnantes. Et l’arrivée de nouvelles affections (les états Crapaud et Pétrification par exemple) invite plus que jamais à rester attentif, même lors des combats supposément mineurs. La mise en scène et la partition musicale font le reste, avec toujours autant de brio. Presque sans forcer, tant cela semble ancré dans l’ADN de Final Fantasy VII.

La réalisation, dans son ensemble, est de haute volée. On n’est certes pas face à une claque technologique comparable à Horizon Forbidden West, à ce jour le plus beau jeu de la PlayStation 5, mais comment ne pas apprécier le souci du détail permanent, la richesse visuelle de ce FF VII Rebirth ? Pardonnez la balle perdue, mais il faut être sacrément aigri ou dans une posture pour s’attarder sur ses seuls écueils graphiques. Bien sûr, ils existent. On trouve un peu partout ces textures crasseuses –comme jadis la tristement célèbre porte du secteur 7- et c’est d’autant plus flagrant que les environnements sont en nombre important. On relève deux ou trois ralentissements, jamais gênants. Et oui, c’est vrai, le mode Fluidité est si grassement flou -même après les mises à jour- qu’il rend le jeu immonde à regarder... dans cette configuration. Car pour le reste, cette seconde partie jouit à nouveau de personnages finement modélisés et animés, d’une science de la mise en scène inégalable (ingame comme lors des cutscenes) et de réorchestrations franchement divines. C’est juste beau, quoi.

On ne s’est toujours pas remis du travail de composition ahurissant, d’une profondeur et d’une subtilité juste effarantes. Loin des quelques expériences « midgariennes », les nombreux musiciens impliqués se sont visiblement attachés à la notion d’ambiance pour chaque lieu visité. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre un thème musical décliné en de nombreuses tonalités, incarnées par autant d’instruments différents, au sein d’un même village ou donjon. Une fois de plus, cela saute aux yeux –en l’occurrence aux oreilles- sur la longueur : le thème principal d’une région s’enrichit et se complexifie à mesure qu’on l’explore, de point d’intérêt en point d’intérêt. Une découverte (auditive) dans la découverte (ludique), du pur génie quoi ! Devant telle richesse, on ne s’étonne pas de voir la première version de l’OST tenir sur pas moins de sept disques...

Une relecture satisfaisante

Difficile de sortir deux ou trois morceaux du lot tant le gap opéré est monumental, et de manière si homogène. Evidemment, les fans du FF VII originel y seront plus sensibles que les autres. C’est toujours le grand questionnement que l’on nourrit autour de ce projet « R » (Remake, Rebirth et le prochain volet) : peut-il vraiment parler aux non-initiés ? Avec sa propension à multiplier les arcs narratifs et ce, très tôt dans le récit, Rebirth nous semble plus que jamais davantage destiné aux amateurs qu’aux joueurs totalement étrangers à l’univers (a fortiori étendu) de FF VII. Vu d’un regard extérieur -on essaye autant qu’on peut- le premier tiers du jeu (Kalm, Junon, Costa del Sol) peut ainsi donner le sentiment de partir dans tous les sens, notamment par cette aspiration à tout développer et à montrer qu’il n’oublie aucun personnage. Il faut admettre que les enjeux de la réécriture sont complexes : il s’agit toujours d’expliciter ce qui relevait - volontairement ou non - de l’abstraction en 1997, mais également d’adapter le récit à la nouvelle structure du jeu, tout en raccrochant les wagons d’une mythologie dispersée (Crisis Core et Ever Crisis pour ne citer qu’eux) et, surtout, en maintenant l’intérêt des « anciens » par l’instauration de nouveaux mystères...

A l’heure de faire les comptes, force est d’admettre qu’on en sort conquis. Peu après la découverte de Corel, l’histoire décolle enfin, avec des enjeux nettement plus clairs et plusieurs séquences marquantes. Jusqu’à ce long tunnel final, incroyable d’intensité, dont le dénouement certes divise. Pour nous, l’essentiel est bien là : l’œuvre originelle est respectée, les personnages sont au cœur de l’histoire et leur unité face à la menace de fin du monde n’a jamais été aussi bien restituée, poignante de bout en bout. Les intentions de Square Enix sur son projet de remake en trois parties se dessinent aussi un peu plus, laissant malgré tout quelques interrogations en suspens. Nul doute que les développeurs en ont encore sous la pédale, tant au niveau du récit que des idées de game design. Il nous tarde déjà de parcourir la conclusion, que l’on espère être une franche apothéose. Vivement !

Notre verdict

On aime

  • Tout ce qui touche aux ambiances, un pur régal
  • La réalisation globale, de très haut vol
  • Ces vastes zones ouvertes, différentes les unes des autres
  • La générosité dingue du jeu en termes de contenu
  • La quête des protoreliques, pleine de surprises
  • Le Queen’s Blood, best minigame du jeu et de loin
  • Le système de combat, enrichi, qui fait toujours le café
  • Ces personnages, toujours plus attachants
  • Cette relecture qui va dans le bon sens, sans trahir l’original
  • La deuxième moitié du jeu, passionnante de bout en bout
  • Le tunnel de fin, aussi éprouvant que dément
  • Un challenge encore assez relevé (d’autant plus en Difficile)

On n'aime pas

  • Les ratés sur pas mal de textures
  • Quelques quêtes qui se répètent
  • L’exploration un peu entravée (le « parkour » ne sert à rien)
  • Le premier tiers du jeu, qui semble se chercher
  • Le déséquilibre naissant entre compétences et sorts/invocations

Après un Remake confortablement confiné à Midgar, Final Fantasy VII Rebirth jouait gros avec la promesse d’ouverture sur son vaste monde. Une fois de plus, Square Enix réussit son pari, au-delà de nos attentes. Plutôt qu’on open-world traditionnel, le jeu propose de grandes zones ouvertes très travaillées, aux ambiances et à la géographie distinctes, regorgeant d’activités facultatives qui sont autant de manières d’animer le voyage du joueur. Et le rythme de l’aventure - très bon au demeurant - n’en pâtit jamais. Les solides acquis de Remake, en matière de réalisation et de gameplay notamment, sont là et se retrouvent même enrichis de nouvelles idées fort plaisantes (en particulier le système de combat). La relecture de FF VII se poursuit aussi avec brio, sans trahir les fans de la première heure : les personnages sont toujours plus attachants - et plus intéressants à jouer aussi - et il y a suffisamment de nouvelles pistes lancées pour entretenir l’intérêt de tous sur 40 à 80 heures de jeu (selon votre appétence pour le contenu annexe). La copie serait parfaite sans ces petites scories visuelles (un mode Performance honteux) et les quelques limitations dans l’exploration du monde ouvert, concessions techniques indépassables aujourd’hui sous Unreal Engine 4 pour un projet de cette envergure. Il n’en demeure pas moins un des meilleurs J-RPG de ces dernières années et le meilleur Final Fantasy depuis très longtemps.

Note finale : 9 / 10
Les commentaires
Le
Même si je suis loin d’avoir fini le jeu après 50h dessus, je rejoint le test sur tous les points. Et j’allais l’écrire sur le topic du jeu une fois fini, mais l’adjectif qui le qualifie le mieux c’est « généreux », terme repris plusieurs fois par Steve :jap:
Gui

Gui

Le
Effectivement !

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